02 Novembre 2017

Equipe multiculturelle : une évidence improbable

Management interculturel

Jean Pautrot qui a longtemps été Directeur Mobilité d’EDF nous livre les clés de succès d'une équipe multiculturelle.

Equipe multiculturelle : une évidence improbable

Les enjeux des équipes multiculturelles

L’évolution de l’organisation des groupes internationaux génère de plus en plus d’équipes multiculturelles, partiellement virtuelles. Les différences de comportement et de modes de résolution de problèmes entre les cultures sont telles qu’il paraît impossible qu’une équipe multiculturelle produise un résultat.

La réalité est souvent différente : cette diversité oblige à plus d’écoute, d’explications, d’échanges, de respect mutuel et d’objectivité, de sorte que les menaces peuvent rapidement se transformer en opportunités.

Cependant, travailler au sein d’une équipe multiculturelle nécessite un vrai savoir-faire. La question est : comment acquérir une compréhension suffisante des autres cultures, des particularités de chacun, afin de gérer au mieux les divergences ou les conflits ? Il semble que la formation et l’expérience constituent les deux composantes d’une seule et même réponse.

Comment définir une équipe multiculturelle ?

1. Équipes biculturelles

En s’internationalisant, les groupes acquièrent des filiales et créent des joint-ventures. Ainsi se constituent des équipes biculturelles composées généralement d’expatriés de la maison-mère et de cadres locaux. Ces équipes sont efficaces, mais elles sont porteuses de conflits latents : une des parties finit par imposer sa langue, ses modes de travail, et ses idées.

2. Équipes multiculturelles

Le second niveau d’internationalisation se caractérise par la venue d’expatriés des filiales étrangères au siège pour se former et intégrer la stratégie du groupe. La Direction financière d’un groupe français peut accueillir un Allemand, un Anglais, un Chinois et un Canadien. Ainsi se constitue une équipe multiculturelle, c'est-à-dire un groupe d’individus issus de plus de deux cultures.

3. Équipes multiculturelles transverses

Le troisième niveau d’internationalisation voit apparaître des équipes multiculturelles transverses, soit des équipes projets constituées des meilleures expertises du groupe dans le domaine, soit des équipes de Direction d’un métier où les différentes implantations du groupe à travers le monde sont représentées.

Ces équipes transverses (projets ou comités de direction) sont de plus en plus fréquentes dans les secteurs de la recherche, de la production et du marketing. Elles sont au moins en partie virtuelles, leur langue de travail est l’anglais, elles font essentiellement appel à de la mobilité de courte durée pour les réunions physiques et à des travaux via Internet et en conférences téléphoniques. Cette orientation s’accompagne d’une stagnation de l’effectif d’expatriés en longue durée et d’un accroissement sensible des missions de courte durée.

Quel est le rôle de l'expatrié ?

Une filiale à l’étranger fait appel, en priorité, à des salariés du pays où elle est implantée. Elle est donc, par nature, mono-culturelle. Les Groupe internationaux ont, en moyenne, un effectif expatrié inférieur à 1 % de leur effectif total. Ils expatrient pour :

  • répondre à un appel d’offres ou acquérir une filiale ;
  • être présent dans la gouvernance de leurs filiales (management, finances) ;
  • apporter une expertise technique manquante localement ;
  • donner une opportunité d’expérience internationale à de futurs dirigeants ;
  • développer une culture commune.

L’expatrié est partie prenante de la filiale ; ce n’est pas sa qualité d’expatrié qui lui donne une capacité particulière à gérer les conflits, c’est son positionnement hiérarchique et sa sensibilité multiculturelle. En revanche, il est un bon intermédiaire entre la filiale et le siège : il connait les enjeux des deux mondes et peut en être l’interprète auprès des deux parties.

L'équipe multiculturelle : opportunité ou source de difficultés ?

Les équipes multiculturelles sont une opportunité pour un groupe international :

  • Elles permettent de rassembler les meilleures expertises sur une question ;
  • Elles sont un lieu de diffusion de la stratégie du groupe, notamment dans les Comités de Direction métier ;
  • Elles sont un creuset d’élaboration et de diffusion de l’identité et de la culture du groupe ;
  • Elles sont un catalyseur de l’innovation par confrontation des différences.

Les équipes multiculturelles sont moins difficiles à manager que les équipes biculturelles, les phénomènes de concurrence y sont moins importants.

Cependant, il faut faire travailler ensemble des acteurs qui ont des langues maternelles, des processus d’analyse et des modes d’action très différents. Cette hétérogénéité des modes de pensée et d’action est une source de difficulté pour le management de telles équipes, chacun devant prendre le temps d’écouter l’autre et tenir compte de sa différence. La diversité des langues maternelles est une source de malentendus en raison d’une maîtrise imparfaite de l’anglais ou de traductions approximatives du vocabulaire technique, quand tous les membres ne parlent pas anglais. D’où l’importance d’un accompagnement culturel et linguistique.

Le manager d'équipe multiculturelle

En raison des difficultés énumérées ci-dessus, le processus de travail d’une équipe multiculturelle est plus lent et plus difficile que celui d’une équipe monoculturelle. Paradoxalement, il est de meilleure qualité, car le non-dit et les jeux d’acteurs y tiennent beaucoup moins de place. Par nécessité, les problèmes et les objectifs sont mieux explicités, le jalonnement du travail est plus précis. À titre d’exemple, les débats d’un Comité d’Entreprise européen sont généralement d’une qualité supérieure à ceux des Comités d’Entreprise des différents pays dans le groupe.

Le succès réside dans un management approprié. En plus des qualités habituelles, le manager doit être un modérateur et un médiateur ; il s’agit de faire comprendre à tous les particularités de chacun et l’originalité de chaque apport, de rebondir positivement sur l’inattendu. C’est un peu la quadrature du cercle. La phrase : "ce qui nous rassemble est plusimportant que ce qui nous divise" est le fil directeur de tout travail multiculturel.

Comment réussir son recrutement à l'étranger ?

Pour un recrutement à l’étranger, il faut privilégier le marché de l’emploi local et le recours à des cabinets de recrutement locaux. Le salarié s’intègre plus facilement à la filiale. L’expérience multiculturelle devient importante dans le recrutement. Heureusement, beaucoup de jeunes diplômés de par le monde ont fait au moins 6 mois d’études à l’étranger. Les campus des Universités ou des Grandes Écoles et les amphithéâtres sont aujourd’hui des lieux d’apprentissage de la multiculturalité.

Les clés de succès d'une équipe pluriculturelle

Dans les réponses aux questions précédentes, nous avons énuméré un certain nombre de facteurs clé de succès pour le fonctionnement d’une équipe multiculturelle :

  • écoute,
  • prise en compte de l’autre,
  • organisation précise du travail,
  • maîtrise de l’anglais,
  • communication très explicite,
  • absence de jugement de valeur et d’arrogance.

À partir de questionnaires exploités sur une grande échelle à IBM, Geert Hofstede distingue 5 facteurs de différenciation culturelle : la distance hiérarchique, l’attitude face à l’incertitude, le positionnement de l’individu par rapport au groupe, la dimension masculine ou féminine des valeurs, l’orientation court ou long terme. Chaque culture a des scores caractéristiques sur ces 5 dimensions ; c’est une sorte de carte d’identité culturelle. Bien qu’elle fasse débat aujourd’hui, cette approche est très pédagogique et utile pour identifier les sources de malentendus dans une équipe multiculturelle et y apporter des solutions.

Sur son site, Geert Hofstede a une vision assez pessimiste de la multiculturalité : « Culture is more often a source of conflict than of synergy. Cultural differences are a nuisance at best and often a disaster ». Ce type de phrase est à examiner avec un prisme multiculturel : il s’agit de ces plaisanteries introductives chères à la culture anglo-saxonne, qui soulignent la valeur de l’exposé ultérieur.

Avec un prisme culturel français, je dirais que le membre d’une équipe multiculturelle doit être un honnête homme au sens classique, c'est-à-dire un homme cultivé. La connaissance de l’histoire et surtout des religions donne des indications fiables sur les comportements culturels. Des livres comme celui de Max Weber, L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1904-1905), jettent des ponts entre une religion et la culture dans laquelle elle est dominante. Une seconde source de connaissance des cultures est l’étude des modèles pédagogiques nationaux, très liés à la culture locale dont ils sont, d’ailleurs, également la matrice.

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