03 Mars 2020

Une identité européenne ?

Pays et régions

Après avoir mis en exergue les différences en Europe sur la négociation, l'argent, l'économie, l'identité, la vision du monde, Csilla s'interroge sur les synergies possibles.

Une identité européenne ?

Csilla nous propose une suite à son article l'Europe revisitée et se demande si les pays européens peuvent parvenir à construire une identité européenne.

Après avoir mis en exergue les différences entre l'Europe occidentale et l'Europe centrale sur  la négociation, l'argent, l'économie, l'identité, leurs croyances et leur vision du monde, elle s'interroge sur les synergies possibles. Quelles sont leurs complémentarités ? Qu'est-ce que chaque partie peut apporter à l'autre ?

La richesse des différences culturelles

Deux approches de la négociation

L'art de négocier : la valeur du produit

Pour les peuples Occidentaux, ces « peuples des mers », d’explorateurs et de commerçants, une négociation est plus orientée vers l’humain. C’est un art qui a ses règles : les partenaires s’apprécient, se séduisent, se valorisent, s’approchent, s’éloignent pour créer une relation avec subtilité, savoir-faire et beaucoup de savoir-être.

Le résultat de la négociation pour eux repose davantage sur l’histoire tissée en commun et sur les liens forgés dans la durée entre les partenaires que sur l’obtention du prix le moins cher.

Traversant des hauts et des bas, à travers des désaccords, les partenaires doivent témoigner d’une grande intelligence émotionnelle et d’une capacité à rebondir, à ne pas baisser les bras, à ne jamais considérer que tout est acquis. Pour eux, une négociation n’est d’ailleurs jamais définitivement close.

Leur force réside dans la ténacité à long terme et dans une fine connaissance des facettes surprenantes de la nature humaine.

Par ailleurs, la majorité des livres qui proposent des techniques de négociation viennent de l’Occident et parlent aux Occidentaux.

La négociation au premier degré : le coût de revient

En Europe centrale et chez les « peuples des terres », la négociation est plus orientée vers le produit. Ce qui compte pour eux, c’est « la terre ferme », le prix de la matière première, le prix au plus juste de la valeur ajoutée du commerçant, le coût de revient.

Lorsqu'on négocie avec eux, il faut savoir être précis sur les chiffres, conclure rapidement et avoir un discours clair afin de générer un véritable coup de cœur et de susciter leur confiance. Autrement, ils pourraient rapidement laisser tomber la relation commerciale sans suite et sans regret.

Si par exemple, ils obtiennent un prix beaucoup plus bas après avoir négocié, ils peuvent penser qu’il y a eu tromperie dès le début. Il vaut mieux leur donner tout de suite le juste prix, sans en varier et sans chercher à créer une histoire.

L’énergie humaine investie dans une négociation est un coût important pour eux, aussi ont-ils une préférence pour l’efficacité, la précision, l’intuition et le coup de cœur. Ils vont pérenniser les partenariats commerciaux qui ne les fatiguent pas inutilement par le manque de résultat rapide.

Leur force est dans leur capacité à avancer vite et dans leur "principe de réalité" prenant en compte les exigences du monde réel et les conséquences matérielles des actes de chacun.

La complémentarité des deux approches

L’analyse des différences entre "Européens des mers et des terres" en matière de cultures de négociation apporte des éclairages sur leurs priorités, malentendus, parfois sur leurs conflits y compris politiques.

Pour le moment, les parties sont convaincues d’avoir seules raison les unes contre les autres et voient les qualités des autres plutôt comme des défauts.

Le regard interculturel propose justement une modification de cette perspective négative de sorte que la différence puisse être vue comme une richesse supplémentaire, comme une complémentarité à intégrer.

La concertation des différences en matière de styles de négociation conduirait les Européens à créer un effet synergique gagnant aussi bien sur le plan économique que du point de vue de la construction de l’identité européenne.

Le rapport à l’argent : focus sur l'Europe centrale

La négociation est liée au rapport à l’argent. Traditionnellement, en Europe centrale, l’argent est quelque chose d’immuable que l’on accumule ou que l’on capitalise dans l’immobilier sans chercher particulièrement à le faire fructifier.

Ambivalence vis-à-vis de l'argent

Aujourd’hui, les choses ont changé. Les habitants d’Europe centrale voyagent et ont goûté au libéralisme. Certains ont vite compris la dynamique de l’argent et d’autres poursuivent la logique de l’accumulation. Aussi rencontre-t-on chez eux deux attitudes vis-à-vis de l’argent :

  • Une attitude plus discrète chez les Polonais, Tchèques, Slovaques, Hongrois, Slovènes ;
  • Une attitude un peu plus voyante chez les Roumains, les Ukrainiens, les Russes.

Logique d'accumulation

Voici une anecdote qui illustre la logique d’accumulation et le rapport à l’argent des gens d’Europe centrale.

Un homme, voyant des briques à un prix étonnamment bas, en achète de quoi construire une maison et les empile dans son jardin où elles restent pendant des années. Lorsqu’on lui demande ce qu’il va en faire, il répond qu’il ne va pas construire de maison mais qu’il va les vendre un jour. Il les a seulement achetées parce qu’elles n’étaient pas chères !

Il en ressort une autre ambivalence vis-à-vis de l’argent : vendre leur est pénible car cela requiert des subtilités communicationnelles et relationnelles qui les ennuient, mais on y trouve d’excellents acheteurs qui obtiennent des prix très bas.

Opposition ou complémentarité ?

De par son histoire et sa géographie, chaque partie de l’Europe a développé un rapport à l’argent et des compétences différentes. Les Européens ne sont pas si facilement interchangeables, mais ils sont formidablement complémentaires. Il y a néanmoins une incompréhension entre eux qu’il faudrait lever pour réussir l’Europe politique.

Les habitants d’Europe centrale étaient peu nombreux, sans argent, sans savoir-faire commercial et ils ont survécu pendant des millénaires grâce à leurs terres. Aujourd’hui, ils essaient d’apprendre à faire du commerce et des échanges, mais seulement jusqu’à une certaine limite et certainement pas au prix de leur vie intérieure ou de leur identité.

Pour eux, le sens de la vie n’est pas de faire tourner l’économie. Ils vivent pour préserver la vie, le corps, la maison, la nation, la nature, la planète, la paix, les libertés non seulement individuelles mais collectives aussi.

De l’autre côté, les Occidentaux pensent que les peuples d’Europe centrale sont étriqués et ne voient rien en grand, que ce réflexe de survie est chez eux une réaction d’extrême droite.

Comment les réconcilier ?

Si l’Europe des mers sait faire tourner l’argent et produire des richesses, l’Europe identitaire sait les préserver avec son instinct de conservation et de survie. N’y-a-t-il pas là une occasion de faire jouer des synergies plutôt que d’opposer les uns aux autres ?

Dans les villages polonais, hongrois, tchèques, slovaques, slovènes, serbes, croates, les gens se sont organisés seuls à travers les siècles pour ramasser les déchets et les plastiques dans les rivières, les lacs, les forêts sans l’aide des États.

Il y a en eux un réflexe pour préserver la biosphère. La protection de la nature est un exemple intéressant et on pourrait en trouver bien d’autres, pour faire jouer les complémentarités et construire une synergie européenne.

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