21 Janvier 2016

"J'ai fait le choix de la France"

Pays et régions

Ross McInnes, Président du Conseil d’Administration de Safran, a bien voulu échanger autour de son parcours. Nous avons parlé du sentiment d’appartenance, de ce qu’implique une double culture et des Français en environnement international.

Voudriez-vous nous parler du contexte culturel dans lequel débute votre parcours ?

Né à Calcutta de parents australiens, élevé en France et naturalisé français, je peux dire que j’ai fait le choix de la France. Si mes parents, eux, sont australiens, moi, je suis français. Ils m’ont donné la chance de grandir ici, de faire toutes mes études primaires et secondaires à Paris dans des écoles communales et dans un lycée de la République (Janson de Sailly). La France, c’est le pays de ma jeunesse. Puis, lorsque j’ai eu 18 ans, leur volonté a été de m’envoyer étudier à Oxford.

A ce moment-là, j’ai été extrait d’un système qui me réussissait très bien. Aujourd’hui, je peux dire que la décision imposée par mes parents s’est révélée être un très beau cadeau : lorsque je suis revenu en France, une lucarne s’était ouverte. Une lucarne sur l’autre, sur l’ailleurs. C’est ce qui a tracé ma carrière, en plus de quelques années à l’étranger ultérieurement. En faisant cela, mes parents m’ont donné une vraie double culture. Aujourd’hui, c’est banal, mais, à l’époque, dans le contexte dans lequel j’ai grandi, c’était rare !

Comment appréhendez-vous ces influences culturelles diverses ?

Avoir deux passeports, ça ne veut pas dire avoir deux cultures, ou la moitié de chacune, comme vous voulez. Ça n’exclut pas un choix très fort, d’adhésion. Et je serais tenté de dire que ce choix est d’autant plus fort qu’on le fait.

Quand j’ai quitté Oxford en 1976, j’ai vécu quelques années à Londres, Rio et Chicago. A l’âge de 26 ans, j’avais vécu autre chose, travaillé ailleurs et c’est alors que j’ai décidé de revenir en France. A cette époque, je faisais un métier de banquier d’affaires. Mon retour en France, c’était un vrai choix de vie. Bien que je ressente profondément que l’on puisse avoir deux références, je n’ai pour ma part qu’un seul attachement.

Une "double culture" vous la forgez aussi en évoluant au sein d’entreprises bi ou multiculturelles. Par exemple, mon passage par Eridania Beghin Say – à l’époque c’était une entreprise franco-italienne – fut une vraie expérience interculturelle. On y parlait français et italien, les influences se croisaient.

C’est surtout l’environnement professionnel, je pense, qui ancre une "double culture" plus que les seuls faits de voyager ou de vivre à l’étranger.

Quel enrichissement cela vous a-t-il apporté en contexte professionnel ?

Le système éducatif français, parfois caricaturé, crée des élites remarquables que l’on nous envie à l’étranger. Regardez la City et ses milliers de Français très prisés pour leurs compétences. Mais peut-être, dans ce système, sous-estimons-nous l’importance de la question, de la discussion, de la contradiction.

Ce que j’ai appris à Oxford, c’est en fait un certain enseignement de la sociabilité. On apprend à vivre et interagir avec les autres. On apprend à parler en public aussi. La prise de parole est encouragée. Il y a les fameux tutorials : deux-trois étudiants avec un tuteur qui est aussi un professeur. Certes, il y a les cours magistraux et d’autres lieux d’apprentissage, mais les tutorials sont un lieu d’échanges, de discussions et de remises en question. Créer ce lieu, dans un cadre de discipline propre à l’univers de l’entreprise, c’est une force considérable pour atteindre ses objectifs en équipe.

Quel regard portez-vous sur les Français dans un environnement de travail international ?

Les Français, dans des sphères de management international, sont adaptables, conquérants et très bien formés. Un Français qui évolue aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Allemagne, aura fait des efforts considérables d’adaptation, à commencer par apprendre une autre langue, travailler dans cette même langue, se mêler à la culture dans cet environnement : il a ainsi un « plus », au-delà de son bagage intellectuel.

Les groupes du CAC 40 ont une expansion internationale que le reste du monde nous envie et sont de très beaux leaders dans leurs domaines. De nombreux grands groupes étrangers font à des dirigeants français des places de choix dans leur équipe de Direction Générale.

Non au french bashing !

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