22 Septembre 2020

La renaissance de l'Afrique

Pays et régions

Benoît THERY présente les cultures africaines et leur large convergence, en s’appuyant sur l’histoire du continent et de ses valeurs, pour expliquer son actualité et son management.

La renaissance de l'Afrique

Benoît THERY, consultant en géopolitique des ressources humaines, a une connaissance appronfondie de l'Afrique et vient de publiquer Le management interculturel en Afrique. La Renaissance (Editions ems Management et Société).

Il y présente les cultures africaines et leur large convergence, en s’appuyant sur l’histoire du continent et de ses valeurs, pour déboucher sur son actualité et son management. Il nous livre quelques codes pour mieux comprendre la renaissance de l’Afrique.

L'Afrique, un continent aux multiples facettes

Malgré une grande diversité de peuples, de cultures et de langues, il existe une large convergence des valeurs et des modes d’action des Africains, du Détroit de Gibraltar au Cap de Bonne Espérance, et de l’Océan atlantique à l’Océan indien.

Après la « Renaissance » de l’Europe, qui a été la période de découverte de l’Afrique par les Portugais, peut-on parler aujourd’hui de « Renaissance » de l’Afrique ?

L’Afrique décolle avec l’élargissement de ses marchés, une forte croissance démographique, l’émergence d’une classe moyenne et de ses capacités de consommation élargies, son passage de plain-pied à l’économie numérique et un esprit d’entreprise très dynamique.

Le contexte culturel de l’Afrique

Les valeurs, les modes de relations, les conditions de réussite en affaires sont bien différents de ceux de l’Europe. Les fondements culturels trouvent leur origine dans l’histoire tourmentée de l'Afrique qui fait son identité plurielle et dans les spiritualités qui font ses valeurs.

Riche de ses civilisations et royaumes anciens, parfois très brillants mais trop méconnus, l’histoire africaine est aussi le théâtre de nombreux conflits, comme en Europe et ailleurs. Leurs captifs ont alimenté l’esclavage africain interne, mais aussi son « exportation » par la traite « islamique » (arabe, perse et turque) du VIII° à la fin du XIX° siècle et par la traite « atlantique » du XVI° au début du XIX° siècle.

L'esclavage

Il ne faut pas confondre l’esclavage marchand et la colonisation d’État ; ils n’étaient le fait ni des mêmes périodes ni des mêmes acteurs. Seul l’État portugais qui a précédé de 3 siècles et demi les autres pays européens dans la colonisation, a utilisé l’esclavage africain pour développer son empire du Brésil, car le Pape avait interdit celui des Amérindiens.

Contrairement à ce que l’on pense parfois, c’est la colonisation européenne, à la fin du XIX° siècle, qui a aboli l’esclavage en Afrique.

La colonisation

La colonisation, qui va de la Conférence de Berlin (1884-1885) aux indépendances autour de 1960, aboutit à un bilan impossible à faire, entre d’une part ses infrastructures, ses technologies, ses institutions et services publics, et ses langues européennes que les nouveaux États indépendants se sont appropriés, et d’autre part les combats et parfois les massacres, l’humiliation, le travail forcé, l’exploitation de ses matières premières et les tentatives d’assimilation culturelle qu’elle a imposés en Afrique.

Les indépendances

Après les indépendances, se sont développés le « panafricanisme » politique, accompagné du mouvement culturel de la « négritude ». Il est difficile de trouver plus multiculturels et plurilingues que les Africains, avec la coexistence de leurs 2.200 peuples et langues, leurs traditions de transhumance, de négoce, de migrations, leur accoutumance aux cultures importées de différents horizons et époques, dont aujourd’hui surtout celle de la Chine.

Le management interculturel en Afrique

Les relations entre l'Europe et l'Afrique restent marquées par les séquelles d'une relation de domination dans le passé et par des différences culturelles fondamentales qui doivent être prises en considération pour mettre en place une collaboration fructueuse.

Différences dans l'organisation de la société

  • Le caractère récent des États africains modernes et « hybride » entre le modèle ancestral et le modèle colonial
  • La forte influence des différents niveaux communautaires (famille élargie, clan, village, ethnie). L’obligation de solidarité communautaire peut entraîner des tendances à la corruption chez ceux investis d’un pouvoir, afin de répondre aux multiples sollicitations de leurs proches.
  • L'importance plus marquée de la spiritualité et des valeurs traditionnelles, le syncrétisme très fréquent entre religions traditionnelles et religions importées (essentiellement l'islam et le christianisme missionnaire)

Différences dans le domaine professionnel

  • La relation d'autorité est à la fois plus hiérarchique et plus « paternelle ».
  • L'affirmation dans le groupe est davantage fondée sur la « face » (notamment l'élégance du comportement, de la parole et même du vêtement), mais le consensus est souhaité.
  • La convivialité au travail est plus recherchée.
  • Les motivations sont plus collectives.
  • La gestion du temps est plus flexible et moins planifiée (le temps est un autre nom de Dieu, dit-on en Côte d'Ivoire, l'homme n'en est pas le maître).
  • L'information est plus implicite ; le statut est davantage fondé sur des critères d'origine (ethnie, caste, filiation, âge).
  • Le risque est davantage admis et vécu.
  • La règle est moins universelle et s'adapte à la relation avec l’interlocuteur du moment.

Pour réussir en Afrique, il importe d’abord d’établir des relations personnelles débouchant sur la confiance et le respect de la parole donnée.

L'âme de l'Afrique

Les religions traditionnelles africaines, contrairement aux apparences, sont d’une essence monothéiste, mais le dieu suprême et créateur reste inaccessible. On s’adresse alors, par l’intermédiaire des prêtres ou des ancêtres, à des divinités de second rang, représentatives de l’environnement.

 

« La voix du feu s’entend, entends la voix de l’eau.

Écoute dans le vent le buisson en sanglot :

C’est le souffle des ancêtres.

Ceux qui sont morts ne sont jamais partis :

Ils sont dans l’ombre qui s’éclaire et dans l’ombre qui s’épaissit.

Les morts ne sont pas sous la terre : ils sont dans l’arbre qui frémit,

Ils sont dans le bois qui gémit, ils sont dans l’eau qui coule.

Ils sont dans la case, ils sont dans la foule :

Les morts ne sont pas morts. »

Birago Diop, poète sénégalais

 

Dans le Golfe de Guinée, Mami Wata est une divinité très populaire de la mer, décrite sous forme de sirène ou de très belle femme, vénérée et crainte, que l’on retrouve jusqu’aux côtes du Cameroun et du Congo. On lui attribue le caractère de l’Atlantique : à la fois belle comme l’océan et l’écume de ses vagues, et sensuelle comme ses chaudes plages de sable, mais dangereuse comme ses funestes courants ou la barre qu’affronte la pirogue du pêcheur. Les prêtres ou les marabouts proposent d’intercéder auprès d’elle quand les baigneurs et les pêcheurs demandent qu’elle ne vous engloutisse pas sous ses eaux délicieuses et poissonneuses, mais toujours dangereuses.

Ainsi, la tradition de l’Afrique peut alimenter notre modernité par un équilibre respectueux et une intimité avec la nature, habitée par les ancêtres et les divinités. Cette compréhension et ce dialogue entre différents mondes de vivants a précédé en Afrique les tendances écologiques et philosophiques qui veulent aujourd’hui en Occident retrouver le respect et l’harmonie de la nature humaine avec la nature minérale, végétale et animale.

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